Défaut de fournir un document d'information
NUMÉRO 12 – 21 mai 2008
Question d’un franchiseur (Québec): Un franchisé potentiel qui demeure en l’Ontario m’a approché pour acheter une franchise. Il est solide financièrement, détient l’expérience requise, a une offre de location pour un emplacement en Ontario et est prêt à signer une convention de franchise. Quelles sont les conséquences de ne pas fournir un Document d’information à un franchisé avant de lui accorder une franchise?
Réponse: En Ontario, la Loi Arthur Wishart de 2000 sur la divulgation relative aux franchises (la « Loi ») s’applique à toutes les franchises situés dans cette province, même si le franchiseur à sa place d’affaires dans une autre province.
Il y a effectivement des conséquences importantes reliées à la décision d’accorder une franchise à être exploitée en Ontario à un franchisé éventuel sans lui fournir au préalable un Document d’information.
Avant d’aborder votre question, veuillez trouver ci-après certains articles de la Loi qui s’appliquent aux faits que vous avez décrits:
*5 (1) Le franchiseur fournit au franchisé éventuel un document d’information, que ce dernier doit recevoir au moins 14 jours avant le premier en date des faits suivants:
a) le franchisé éventuel signe le contrat de franchise ou toute autre entente
relative à la franchise;
b) le franchisé éventuel verse une contrepartie relative à la franchise au
franchiseur ou à la personne qui a un lien avec lui ou une telle contrepartie
est versée pour son compte.
6(6) Le franchiseur ou la personne qui a un lien avec lui, selon le cas, fait ce qui
suit dans les 60 jours de la date de prise d’effet de la résolution:
a) il rembourse au franchisé toute somme reçue de lui ou pour son compte,
autre qu’une somme versée à l’égard des stocks, des fournitures ou du
matériel;
b) il achète au franchisé les stocks qu’il a achetés conformément au contrat
de franchisage et qui ne sont pas écoulés à la date de prise d’effet de la
résolution, au prix d’achat qu’il a payé;
c) il achète au franchisé les fournitures et le matériel qu’il a achetés
conformément au contrat de franchisage, au prix d’achat qu’il a payé;
d) il indemnise le franchisé des pertes qu’il a subies dans le cadre de
l’acquisition, de l’établissement et de l’exploitation de la franchise,
déduction faite des sommes visées aux alinéas a) à c). »
Je vous souligne que toutes les provinces qui ont une loi sur le franchisage (l’Alberta, l’Ile du Prince Edward et le Nouveau Brunswick) ont des articles presque identiques à ceux prévus dans la Loi.
L’article 5 (1) de la Loi prévoit qu’un franchiseur doit fournir au franchisé éventuel un Document d’information que ce dernier doit recevoir au moins quatorze (14) jours avant le premier en date des faits suivants: la signature du contrat de franchisage ou toute autre entente relative à la franchise ET le versement d’une contrepartie relative à la franchise au franchiseur. Cet article est d’ordre public et, en conséquence, il est impossible d’y déroger, même par un écrit entre un franchiseur et un franchisé éventuel.
L’article 6 (6) de la Loi prévoit les conséquences possibles du fait pour un franchiseur de ne pas fournir un Document d’information à un franchisé éventuel. Il se résume à « remettre le franchisé éventuel dans la situation financière dans laquelle il était avant l’acquisition de la franchise ».
Sur la base de cet article, le montant qu’un franchiseur est obligé de payer à un franchisé éventuel va varier d’un franchiseur à l’autre, dépendamment du coût de la franchise, du montant de l’investissement du franchisé éventuel en stocks, fournitures et matériel et des pertes que le franchisé éventuel subit dans le cadre de l’acquisition, de l’établissement et de l’exploitation de la franchise. Ce montant peut se chiffrer dans les millions de dollars pour certains franchiseurs.
Plus haut, j’ai souligné le mot « possibles » en qualifiant les conséquences pour un franchiseur d’accorder une franchise à un franchisé éventuel sans lui fournir un Document d’information. Il est à noter que la Loi prévoit aussi que le franchisé éventuel a une période maximale de deux (2) ans pour prendre le recours prévu à l’article 6 (6) et de mettre fin à la convention de franchise.
Pour déclencher ce recours, le franchisé éventuel doit faire parvenir un avis de résolution au franchiseur exigeant notamment, le montant réclamé et la terminaison de la convention de franchise. Si le franchisé éventuel ne fait pas parvenir cet avis avant l’expiration de la période de deux (2) ans, le franchisé éventuel perd le recours prévus à l’article 6 (6) de la Loi.
De plus, advenant le cas où le franchiseur fournit au franchisé éventuel un Document d’information avant l’expiration de la période de deux (2) ans ci-avant mentionné, le franchisé éventuel peut seulement prendre le recours prévu à l’article 6 (6) et résoudre la convention de franchise dans une période de soixante (60) jours à compter de la date de réception du Document d’information. Après l’expiration de cette période, si le franchisé éventuel n’a pas envoyé un avis de résolution au franchiseur, il perd le recours prévus à l’article 6 (6) de la Loi.
Il s’ensuit de ces deux (2) limites prévus dans la Loi que, si un franchisé éventuel ne fait pas parvenir un avis de résolution au franchiseur au cours des deux (2) premières années ou dans les soixante (60) jours de la date de la réception du Document d’information à l’intérieur des deux (2) premières années, il perd le recours prévu à l’article 6 (6). C’est pour cette raison que je qualifie les conséquences de « possibles ».
Personnellement, je ne crois pas que le législateur aurait dû ouvrir la porte aux franchiseurs en leur permettant de « remédier » à cette situation en fournissant au franchiseur éventuel un Document d’information après l’octroi d’une franchise. Il « invite » les franchiseurs à prendre un risque financier en leur laissant penser qu’ils peuvent y remédier dans un court délai. Les répercussions légales et financières, ci-avant décrites, peuvent être très importantes.
D’une perspective pratique, au cours des premiers mois de l’exploitation d’une franchise dans un nouvel emplacement, si l’unité au détail ne donne pas les résultats anticipés par le franchisé et/ou ceux représentés par le franchiseur, les chances qu’un franchisé éventuel exerce son droit de résoudre sa convention de franchise sont élevées. Même si l’unité au détail obtient de bons résultats, le franchisé éventuel peut toujours utiliser son droit de résoudre la convention de franchise pour obtenir des concessions financières ou autres du franchiseur. Il est à souligner qu’il prend en moyenne 2-3 ans avant de bien établir une unité au détail dans un nouvel emplacement.
De plus, étant donné qu’un Document d’information peut être préparé dans un délai court (2-4 semaines), il est difficile de concevoir que le délai pour entreprendre un nouveau projet ne puisse pas être prolongé jusqu’à ce que la documentation appropriée soit préparée et fournie au franchisé éventuel.
Chaque franchiseur connaît les coûts approximatifs associés à la construction d’une unité au détail et les coûts d’achat de l’inventaire, des fournitures et du matériel nécessaire pour exploiter ladite unité. À ce montant s’ajoute les pertes qu’un franchisé subira dans le cadre de l’acquisition, de l’établissement et de l’exploitation de la franchise. Le calcul des coûts reliés à ce risque se fait assez facilement.
Cordialement,
Claude J. Pellan, Avocat et Consultant
Droit du Franchisage et Droit des Affaires
www.claudepellan.com
N.B.: Ma réponse à cette question adresse seulement les conséquences prévues dans la Loi à l’égard de la décision d’un franchiseur d’accorder une franchise à un franchisé éventuel en Ontario sans lui fournir un Document d’information. Elle n’adresse pas les implications relatives à la stratégie corporative d’un franchiseur, l’introduction d’un nouveau concept de franchisage dans une autre province, les relations entre le franchiseur et les fournisseurs de produits et/ou services, etc.
NOTE IMPORTANTE: Tel que déjà mentionné, je ne donne pas d’opinion juridique dans mes réponses aux questions posées dans LE COIN DES QUESTIONS. Je donne plutôt mes pensées, des commentaires et /ou des conseils pratiques sur des situations qui surviennent dans le cours normal des activité d’un franchiseur. En conséquence, je vous suggère fortement de consulter un avocat pour une opinion juridique sur les réponses aux questions posées dans LE COIN DES QUESTIONS.
LE SERVICE : Pour celles et ceux qui reçoivent LE COIN DES QUESTIONS pour la première fois, voici comment fonctionne ce service Pour utiliser ce service, vous n’avez qu’à envoyez une question relativement au franchisage ou au droit des affaires en général à c.pellan@hotmail.com. Je vais ensuite choisir quelques questions et y répondre. Je n’identifie pas les personnes qui posent les questions dans mes réponses et il n’y a pas de frais d’abonnement ou d’utilisation.
Les questions et réponses seront transmises à d’autres franchiseurs à travers la Canada (à moins d’indication contraire dans le courriel) qui peuvent se poser la même question ou qui ont des commentaires sur ma réponse.
Advenant le cas ou la réponse à votre question est urgente, s’il vous plaît l’indiquer dans le courriel. Je fournirais mes meilleurs efforts afin d’y répondre rapidement.